La messe vagabonde à Altitudes (La Gruyère, 20.06.2017)


Samedi à Ebullition, la messe de Primasch s’est tracé un itinéraire personnel et audacieux, pour un charme et un dépaysement garantis.


CONCERT. Dans le cadre du festival Altitudes, Primasch, alias Jean-Christophe Gawrysiak, présentait samedi soir sa Piccola messa di Gloria. Une œuvre pour chœur et solistes, souvent en latin, qui suit la structure habituelle de la messe (Kyrie, Gloria, etc.). Du moins, c’est ce qu’il restait de conventionnel à cette messe des plus éclectiques! Car son «instinct migrateur» l’a entraînée bien loin des églises monolithiques et du contrepoint: elle est arrivée sous les projecteurs du centre culturel Ebullition, accompagnée par un batteur, une basse, une guitare électrique, deux violons et un accordéon.


Au carrefour des genres

Avec ses rythmes de danses gitanes, ses atmosphères planantes, ou encore ses brillants solos de guitare et de violon, la messe arbore une identité hybride, formellement sacrée, musicalement bohème, rock, voire électro dans sa structure. Sorte de voyageur itinérant façon Nicolas Bouvier, cette messe réussit à concilier ses origines traditionnelles avec des influences musicales des plus diverses. Le résultat est novateur, délicieusement effronté, et d’une belle puissance émotionnelle. De manière générale, l’œuvre s’admire par son assimilation des différents genres qui la composent, pour parvenir à une expression à la fois personnelle et cohérente. Ainsi, après une introduction méditative presque orientale, fondée sur une longue note tenue par l’accordéon, le Kyrie s’oriente vers des sonorités tsiganes, qui trouvent leur apogée dans le Gloria. Ce dernier est génialement transformé en une sorte de danse rapide, rythmée par les contretemps de la basse, chantée en latin par le chœur, et vraisemblablement en castillan par l’envoûtante soprano soliste (qui pourrait peut-être s’appeler Gloria, qui sait). De cette manière, les louanges se transforment en une célébration festive, aux harmonies douces-amères si séduisantes de la musique tsigane.

La célébration peut également s’orienter vers un style plus rock, voire métal, si l’on pense au final du Sanctus, dans lequel le chœur et les instruments s’emballent au moment des Hosanna in excelsis. Cette phrase est répétée par le chœur de plus en plus fort, sur une musique bien appuyée par la batterie et la guitare (carrément comme dans le tube Killing in the name des Rage Against the Machine, pour les connaisseurs), donnant à la musique un effet jubilatoire.

Le goût pour la répétition

Mis à part le charme des styles, le lyrisme et l’émotion de l’œuvre viennent aussi de son goût pour la répétition. Elle peut être harmonique, avec des basses obstinées descendantes de quatre notes, sur lesquelles s’ajoutent progressivement les voix et les instruments (on notera d’ailleurs les merveilleux riffs mélancoliques de la guitare dans la deuxième partie du Gloria), ou alors se constituer de figurations rapides et exacerbées, souvent jouées par Primasch au violon. Celles qui sont jouées après le Gloria sont particulièrement impressionnantes, puisque le violoniste les répète avec acharnement et à une vitesse déconcertante, pendant que le chœur et les instruments s’expriment dans des harmonies lentes et solennelles.


Au final, Jean-Christophe Gawrysiak réussit à extirper le genre de la messe de ses habitudes savantes, pour en proposer une version insolite à la fois moderne, subjective, et touchante.


SIMON ROSSIER